TAX SHELTER PME : UNE SUBSTANTIELLE REDUCTION D'IMPÔT
Pour qui ?
Toute personne physique, en ce compris les non-résidents (DOC 54 1125/001, p.63), à l’exception des personnes morales et de certains contribuables en raison de leurs liens avec la start-up, lesquels sont :
- le dirigeant d’entreprise au sens de l’article 32 al. 1 CIR 92 [on vise la personne physique qui exerce au sein de la start-up – directement ou indirectement (visant notamment le cas d’un mandat exercé par une personne morale), (1°) un mandat d’administrateur, de gérant, de liquidateur ou des fonctions analogues ou (2°) une fonction dirigeante de gestion ou une activité dirigeante de gestion journalière, d’ordre commercial, financier ou technique, en dehors d’un contrat de travail. Cette dernière catégorie se rapporterait par exemple au médecin ou à l’avocat associé d’une société professionnelle sans en être ni le gérant ni un salarié. Il est sans incidence que la fonction soit exercée à titre onéreux ou gracieux.
- le contribuable qui exerce au sein de la start-up, en tant que représentant permanent d’une autre société (au nom et pour compte de laquelle il est chargé de l’exécution du mandat), un mandat d'administrateur, de gérant, de liquidateur ou une fonction analogue (Exit donc l’investisseur qui gère la start-up par le truchement d’une société de management).
- le contribuable actionnaire d’une autre société qui a conclu avec la start-up un contrat d’entreprise ou de mandat par laquelle cette autre société s’est engagée à assumer, moyennant une indemnité, une activité dirigeante de gestion journalière, de nature commerciale, financière ou technique, dans la première société. A ce titre, est par exemple exclu le contribuable actionnaire d’une société de management dont il n’est pas le représentant mais qui a conclu une convention de gestion avec la start-up, ce qui implique indirectement le droit de ce premier de donner des instructions, de demander de rendre des comptes,...
Notons que le texte ne porte pas au titre des exclusions les proches du dirigeant d’entreprise. Quid si ce dernier confie l’opération à son conjoint ou à un parent en qui il a toute confiance ? En vertu du principe de l’interprétation stricte de la loi fiscale, cette situation non prévue par la loi serait licite. L’argument de la simulation pourrait cependant constituer un premier écueil. La théorie de la simulation édicte en principe la licéité de la simulation sauf si elle est ourdie en vue d’éluder l’application de dispositions légales d’ordre public (telle la législation fiscale) ou impératives qui eussent dû régir le rapport juridique réel ou lorsqu’elle a pour objet de frauder les droits des tiers comme le fisc. La simulation suppose la conclusion de deux conventions, l’acte ostensible entre le parent et la start-up d’une part, et, d’autre part, la contre-lettre entre le parent et l’investisseur réel (par exemple une reconnaissance de dette du parent au profit de l’investisseur donateur pour un montant identique). Encore faut-il observer que le fardeau de la preuve de la simulation est à charge de l’administration. D’autre part, l’administration fiscale pourrait être tentée de faire usage de la mesure générale anti-abus mise en place par l’art. 344 §1 CIR92. L’application de cette disposition est néanmoins restreinte du fait de son prescrit au terme duquel l’inopposabilité ne peut frapper que la qualification juridique d’un acte (même accompli dans le seul but d’éviter l’impôt) et non l’acte lui-même.
Quels sont les investissements visés ?
Seuls les investissements en numéraires sont visés, les apports en nature ou en industrie étant exclus. Seules les sommes investies par le contribuable qui s’élèvent jusqu’à 100.000 € par période imposable peuvent être prises en considération pour la réduction d’impôt. Ces montants doivent être affectés à l’acquisition (directement ou par le biais d’une plateforme de crowdfunding agréée par la FSMA ou une autorité similaire d’un autre Etat membre de l’EEE) d’actions ou de parts de la société cible - à condition toutefois de ne pas obtenir en échange une représentation de plus de 30 % dans son capital social - ou de parts d’un fonds starters agréé. La réduction d’impôt n’est pas applicable à la partie des actions qui dépasse cette représentation de 30 % dans le capital social. Cela signifie que l’investisseur qui achète des parts préexistantes d’une start-up ne pourra pas bénéficier de cet avantage fiscal, l’apport en capital devant nécessairement être compensé par l’émission d’actions (lors de la constitution ou subséquemment à l’occasion d’une augmentation de capital). La plateforme crowdfunding est généralement un simple intermédiaire entre l’investisseur et la start-up qui sélectionne des projets mais certaines investissent elles-mêmes au travers d’une autre structure juridique qui émet des titres « miroirs » (Equity-Linked Notes) au profit de l’investisseur, tout en se réservant une rémunération. Ce dernier modèle peut susciter quelques interrogations car le contribuable achète des titres émis par une société qui n’est qu’un véhicule financier intermédiaire sans prendre directement une participation dans la start-up. Ainsi peut-on s’enquérir de la légalité de ce modèle dès lors que l’investisseur n’est plus une personne physique mais une société d’investissement ou de financement et que, par ailleurs, l’investisseur personne physique, s’il investit bien dans une start-up via une plateforme de crowdfunding, investit avant tout directement dans l’outil financier qui, à son tour, investit dans la start-up. Or, la loi exclut expressément que le contribuable investisse dans une société d’investissement ou de financement (art. 48 §3, 4°), sauf à assimiler ce type de plateforme de crowdfunding à un fonds starters émettant ses propres parts, lequel devra alors être agréé par la FSMA. Un fonds starters est un fonds qui investit plus de 80 % des apports dans des start-up répondant aux conditions légales.
Quelles sont les start-up éligibles ?
- La loi vise une société résidente ou un établissement belge d’une société européenne (siège de direction, succursale, bureau, usine, agence,…) constitué au plus tôt le 1/01/2013. Lorsque l'activité de la société consiste en la continuation d'une activité qui était exercée auparavant, la start-up est censée être constituée respectivement au moment de la première inscription à la Banque-Carrefour des Entreprises par la personne physique ou de l’acte de constitution de la personne morale. La notion de continuation d’activité n’est pas définie mais il pourra par exemple être fait référence aux codes NACE déclarés.
- La société cible ne peut pas être constituée à l’occasion d’une fusion ou scission de sociétés.
- La société doit être considérée comme petite société au regard de l'article 15 du Code des sociétés en se plaçant au moment de l’apport en capital. Cet article distingue les grandes des petites sociétés sur base de leur chiffre d’affaires annuel (7.300.000 € htva), du total du bilan (3.650.000 €) et du nombre de travailleurs (50 en moyenne sur l’exercice avec un critère d’exclusion en cas de dépassement de 100 salariés). On parle d’une petite société lorsque l’entreprise ne dépasse pas l’un de ces trois critères. Notons que ces critères ne sont plus adaptés à l’indice des prix à la consommation depuis 2004 et qu’en outre, ils sont inférieurs aux critères prévus par la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d'entreprises dont la transposition est actuellement en chantier (cfr. projet de loi du 10 novembre 2015). Il est suggéré d’élever les critères à 9.000.000 € de chiffre d’affaires annuel et 4.500.000 € de total du bilan. Suivant ces nouveaux critères, ce ne sont pas moins de 55.000 petites entreprises (qui ne sont pas de mirco-entreprises) qui sont concernées. Les moyennes et grandes entreprises sont exclues mais la nouvelle catégorie créée par la directive, la micro-entreprise, est éligible et permet de surcroît une plus grande réduction d’impôt.
- La société n'est pas une société d'investissement, de trésorerie ou de financement. Une société qui n’investirait que dans des actifs de propriété intellectuelle serait-elle éligible ? Il faut répondre par l’affirmative dès lors qu’il conviendrait de renvoyer à la définition reprise à l’article 53 de la loi du 6 avril 1995 relative au statut et au contrôle des entreprises d’investissement qui définit les services et les activités d’investissement. Cette disposition vise par exemple un organisme de crédit. Mais certaines sociétés de services, comme une société de conseil en matière de rachat d’entreprise, pourraient susciter des difficultés d’application et être exclues du dispositif. En effet, sont considérés comme des services auxiliaires visés à l’art. 46, 2° de la loi précitée ceux afférents à la recherche en investissements et l’analyse financière ainsi que le conseil aux entreprises en matière de structure du capital, de stratégie industrielle et de questions connexes, le conseil et les services en matières de fusions et de rachat d’entreprises,...
- La société n’est pas une société dont l’objet social principal ou l'activité principale est la construction, l’acquisition, la gestion, l’aménagement, la vente, ou la location de biens immobiliers pour compte propre, ou la détention de participations dans des sociétés ayant un objet similaire, ni une société dans laquelle des biens immobiliers ou autres droits réels (sont visées les constructions juridiques portant sur l’usufruit, l’emphytéose et la superficie) sur de tels biens sont logés, dont un dirigeant au sens précité, ou son conjoint ou ses enfants, auraient la jouissance légale (on vise les revenus issus de l’exercice de tels droits) ou l’usage personnel. Le ministre a précisé qu’étaient visées les sociétés patrimoniales immobilières. Exit donc le dirigeant qui acquiert la nue-propriété d’un immeuble alors que la start-up acquiert l’usufruit ou encore le dirigeant qui garde l’usage du bien, que celui-ci soit à titre gracieux (ATN) ou onéreux (location). De même, interposer une société holding ne permettra pas de contourner cette interdiction. Une société qui débute et qui, quatre ans après sa création, se transforme en société patrimoniale, ne peut plus non plus entrer en ligne de compte pour la réduction d’impôt.
- La société n'est pas une société qui a été constituée afin de conclure des contrats de gestion ou d'administration ou qui obtient la plupart de ses bénéfices de contrats de gestion ou d'administration.
- La société n’est pas cotée en bourse et n’a pas encore opéré de diminution de capital ou distribué des dividendes. Cela n’empêche toutefois pas le versement de dividendes aux actionnaires postérieurement à l’investissement, étant entendu que les sommes récoltées dans le cadre du tax shelterne peuvent pas servir à cet effet (cfr. l’exposé des motifs). Le but ne saurait être que les conditions restrictives entravent une éventuelle expansion économique fructueuse d’une entreprise qui débute. Aussi n’est-il, par exemple, pas exigé que l’entreprise qui débute ne soit pas notée en bourse durant quarante-huit mois.
- La société ne fait pas l’objet d’une procédure collective d’insolvabilité ou ne se trouve pas dans les conditions d’une procédure collective d’insolvabilité.
- La société n’utilise pas les sommes perçues pour une distribution de dividendes ou pour l’acquisition d’actions ou parts ni pour consentir des prêts. L’investisseur ne sera donc pas en mesure de contourner le dispositif en finançant une augmentation de capital permettant la création de nouvelles actions par la souscription d’un prêt auprès de la start-up.
- La société n'a pas perçu par le contribuable ou par un fonds starters agréé plus que 250.000 € par le biais de ce mécanisme.
Précisions que ces conditions doivent être remplies par la société au cours des 48 mois suivant la libération des actions de la société. En cas contraire, l’investisseur sera sanctionné, l’impôt total étant alors majoré d’un montant correspondant à autant de fois un quarante-huitième de la réduction d’impôt effectivement obtenue. Bien que le dispositif commenté n’ait rien à voir avec le tax shelter audiovisuel, on peut néanmoins s’attendre à ce que des organismes financiers développent, comme en matière audiovisuelle, des produits d’assurance couvrant la perte de l’avantage fiscal qui serait consécutive à une faute commise par la start-up.
Quelle réduction d’impôt ?
La réduction d’impôt octroyée est égale à 30 % du montant à prendre en considération, ce dernier pouvant s’élever jusqu’à 100.000 € par période imposable. Cette réduction d’impôt est portée à 45 % lorsque les sommes investies sont affectées à l’acquisition d’actions d'une micro-société telle que définie par la directive2013/34/UE (cfr. projet de loi du 10 novembre 2015 pour sa transposition en droit national), soit directement par l’investisseur, soit par le biais d’une plateforme de crowdfunding agréée. Pour être considérée comme une micro-société, l’entreprise doit, à la date de clôture du bilan (l’exercice comptable de référence est celui afférent à la période imposable au cours de laquelle l’apport en capital a eu lieu), ne pas dépasser les limites chiffrées d’au moins deux des trois critères suivants (montants non indexés) :
- Total du bilan : 350.000 € ;
- Chiffre d’affaires net : 700.000 € ;
- Nombre moyen de salariés au cours de l’exercice : 10.
La réduction d’impôt concerne l’impôt des personnes physiques (titre II du CIR92). Elle n’est pas reportable si elle s’avère plus importante que l’impôt dû par le contribuable. Elle peut être obtenue pour des actions émises à partir du 1er juillet 2015. Elle n’est maintenue que si l’investisseur est encore en possession des actions à la fin des quatre périodes imposables. Si les actions sont cédées autrement que suite à son décès au cours des quatre ans suivant leur acquisition, l’impôt relatif à la période au cours de laquelle a eu lieu la cession sera majoré prorata temporis (d’autant de 48èmes qui manquent pour atteindre le délai de 48 mois).
Mais quel est l’avantage des Start-up ?
Ce levier fiscal bénéficie aux start-up, non pas en leur accordant un avantage fiscal direct comme à l’investisseur, mais en permettant de soutenir ces jeunes entreprises globalement en manque de fonds propres en encourageant leur financement par le truchement de ce mécanisme (jusqu’à 250.000 € - montant non indexable sur les quatre premières années) et donc leur création et leur croissance. Un projet de loi déposé le 3 février 2014 vise par ailleurs à faciliter les démarches dans le chef des start-up en augmentant les plafonds au-dessus desquels il est obligatoire de rédiger un prospectus, le crowdfunding étant considéré comme une forme de sollicitation de l’épargne publique.- janvier 2024
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